Par TSITSI MAKOMBE, and JULIE KURTZ
02/17/2020Avec la Déclaration de Malabo en 2014, les dirigeants africains se sont engagés à procéder à une revue biennale (RB) à l’échelle du continent pour suivre et documenter les progrès accomplis dans la réalisation de sept engagements, notamment celui d’éliminer la faim et de réduire de moitié la pauvreté d’ici 2025. Le rapport de la RB 2019 et les fiches d’évaluations de la transformation de l’agriculture africaine (AATS), lancés lors du 33eme Sommet de l’Union africaine les 9 et 10 février, montrent un ralentissement du rythme de progression en dépit des progrès réalisés par les pays africains pour atteindre les objectifs de Malabo.
Sur la base des recommandations de la RB inaugurale de 2017, la Commission de l’Union africaine (CUA) et ses partenaires techniques, notamment le Système régional d’analyse stratégique et de gestion des connaissances (ReSAKSS) dirigé par l’IFPRI, ont apporté un certain nombre d’améliorations importantes à la deuxième RB. Il s'agit notamment : de l’ajout de quatre nouveaux indicateurs sur l’insécurité alimentaire et la sûreté des aliments ; de la précision des définitions et des mesures de sept indicateurs existants ; de l’organisation d’une formation sur les guides techniques et les outils de la RB pour les États membres de l’UA au début du processus ; et de l’introduction de la revue biennale électronique (eBR). L’eBR, développée par le ReSAKSS en partenariat avec la CUA, est un outil de saisie et de gestion des données basé sur le web visant à améliorer l’efficacité de la saisie ainsi que l’accès aux données.
Le rapport 2019 de la RB montre que 36 des 49 États membres de l’UA ayant soumis un rapport ont amélioré leur score global en matière de transformation agricole par rapport à 2017. Toutefois, le rapport de 2019 fixe un score de référence plus élevé pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des engagements de Malabo d’ici 2025 : 6,66 sur 10, contre 3,94 en 2017. Seuls quatre des 49 pays ont dépassé le seuil de 2019 : le Rwanda (7,24), le Maroc (6,96), le Mali (6,82) et le Ghana (6,67). Le Ghana est le seul pays à être passé de la catégorie « pas sur la bonne voie » en 2017 à la catégorie « sur la bonne voie » en 2019 ; les trois autres pays sont dans la catégorie « sur la bonne voie » dans les deux RB.
Parmi les 20 pays sur 47 qui étaient sur la bonne voie en 2017, 17 n’ont pas atteint le seuil plus exigeant de 2019. Néanmoins, seuls huit pays ont obtenu un score inférieur à celui de 2017. Parmi les 36 pays ayant obtenu un meilleur score, plusieurs ont montré des améliorations majeures : l’Angola, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Liberia, la Sierra Leone et la Tunisie ont doublé ou plus que doublé leur score. Lors du sommet, la Tunisie a été reconnue comme le pays ayant le plus progressé par rapport à 2017, tandis que les quatre pays « sur la bonne voie » ont été récompensés pour leurs meilleures performances.
Le rapport de la RB 2019 montre que l’Afrique dans son ensemble est sur la bonne voie en ce qui concerne la réalisation d’un seul engagement sur les sept engagements de Malabo, à savoir « tripler le commerce intra-africain dans le domaine de l’agriculture » (engagement N#5). Ceci équivaut à un ralentissement des progrès. En 2017, le continent était sur la bonne voie dans quatre domaines : outre l’engagement commercial, il s’agissait du ré-engagement au processus du PDDAA (engagement N#1), de la réduction de moitié de la pauvreté grâce à l’agriculture (engagement N#4) et de la responsabilisation mutuelle en matière d’actions et de résultats (engagement N#7).
Le rapport montre également que l’Afrique dans son ensemble est restée constamment dans la catégorie « pas sur la bonne voie » en ce qui concerne les autres engagements visant à améliorer le financement des investissements dans l’agriculture (engagement N#2), à éliminer la faim d’ici 2025 (engagement N#3) et à renforcer la résilience face à la variabilité climatique (engagement N#6). Dans les faits, aucun pays n’est sur la bonne voie en ce qui concerne l’engagement N#2, alors que seuls quatre pays ont atteint l’objectif de consacrer au moins 10 % du budget national à l’agriculture, soit une baisse par rapport aux 10 pays qui ont atteint cet objectif en 2017.
Dans la section Résilience et moyens de subsistance, le rapport montre que bien que le continent dans son ensemble n’est pas sur la bonne voie pour atteindre l’engagement N#6 sur le renforcement de la résilience face à la variabilité climatique ; 11 pays sont maintenant sur la bonne voie – une amélioration par rapport à 2017, seuls 7 pays étaient alors sur la bonne voie.
Le continent a également bien progressé dans la réalisation d’objectifs spécifiques tels que l’augmentation de la superficie totale irriguée (26 pays sur 41 sont sur la bonne voie) et la mise en place de systèmes de sûreté alimentaire (46 pays sur 48 sont sur la bonne voie).
Chaque rapport de la RB marque une étape importante dans la promotion de la responsabilisation mutuelle sur le continent africain. Les pays semblent déterminés à améliorer leurs rapports de RB : le taux global d’établissement de rapports en 2019 est passé à 80 % contre 75 % en 2017 malgré une augmentation substantielle du nombre de paramètres requis – 266 en 2019 contre 166 en 2017.
Compte tenu du ralentissement général des progrès, le rapport invite les États membres de l’UA à organiser des dialogues nationaux inclusifs entre les parties prenantes afin d’examiner les résultats de la deuxième RB et de proposer des réponses politiques et programmatiques concrètes pour accélérer la réalisation des objectifs de 2025. En particulier, les pays devraient accorder la priorité aux efforts visant à : 1) garantir des politiques, des institutions et des capacités fondées sur des données probantes afin de mettre en œuvre les plans nationaux d’investissement agricole ; 2) accroître les investissements agricoles et l’accès au financement ; 3) augmenter la productivité agricole en améliorant l’accès aux intrants et aux technologies agricoles et en créant des régimes fonciers solides ; et 4) établir des plateformes inclusives pour la responsabilisation mutuelle et la revue par les pairs.
Il est également urgent d’améliorer la disponibilité et la qualité des données, de renforcer les systèmes et les capacités en matière de données et d’intégrer le processus de collecte de données de la RB dans les systèmes de données nationaux existants. Ces mesures contribueront à terme à stimuler la transformation de l’agriculture africaine et la réalisation des engagements de Malabo.
Cet article a été publié pour la première fois sur le site de l’IFPRI.